Des Chemins, il y en aura d’autres.

La question qui se pose désormais est « Et si c’était à refaire? ». Ma réponse : « je foncerai! ». Petit bilan, en quelques points.

 

Sur la Via Podiensis :

Les paysages qui nourrissent : l’Aubrac remporte la palme d’or, sans aucune hésitation. La traversée du plateau de l’Aubrac est un ravissement. Le paysage est puissant. On sent une atmosphère dure, parfois glaciale, avec la pierre grise. Atmosphère qui, à l’époque où je suis passée, était à peine réchauffée par le jaune pâle des champs de jonquilles. Une expérience fabuleuse.

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L’Aubrac.

Autre paysage que j’ai adoré, et découvert sur le Chemin : le Pays Basque, qui m’a fait l’effet d’une grande bouffée d’oxygène, de nature et de vie, après le Gers et les Landes qui avaient eu raison de mon moral. Le Pays Basque restera aussi gravé dans ma mémoire pour ses orages noirs et « éclatants », et les pluies quotidiennes qui m’ont fait rivaliser d’idées pour conserver la cape de pluie à portée de bâtons.

Au Pays-Basque.

Au Pays-Basque.

Je retiens aussi de mon Chemin français quelques très jolis villages comme St-Côme-d’Olt et Estaing dans la Vallée du Lot, en Aveyron ; Auvillar dans le Tarn-et-Garonne ; La Romieu et Larressingle dans le Gers.

Autre nom de village français qui me restera en tête, pour d’autres raisons : Ostabat. Dernière étape avant Saint-Jean-Pied-de-Port et la traversée des Pyrénées, ce petit village des Pyrénées-Atlantiques est le lieu où j’ai retrouvé Solange, perdue de vue sur le Chemin depuis 3 semaines. Je l’avais rencontrée pour sa première journée de marche, à Livinhac-le-Haut, et j’ai donc pu marcher avec elle pour sa dernière journée sur son Chemin cette année. A Ostabat, j’ai aussi rencontré Jean-Maurice, arrivé du Mont-Saint-Michel, et avec qui j’ai ensuite marché près d’une quinzaine de jours.

 

 

J’ouvre ici une parenthèse sur les rencontres faites sur le Chemin.

Ce sont toutes ces rencontres qui sont aussi, surtout, une part magique du Chemin. A dire vrai, je pense que les gens qu’on rencontre à cette occasion gardent une sorte « d’aura » un peu fabuleuse, un « truc en plus ». Ils restent associés au moment de cette rencontre, là-bas, sur le Chemin, dans cet espace temps particulier.

Je garde un souvenir fort des moments de rigolades sous la neige avec Denis et Bernard, Ingrid (Australie) et Laars (Suède). Des coups de gueule de Claire contre les touristes qui prennent la place des pèlerins dans les gîtes d’étapes le week-end de l’Ascension.  Nadine, avec qui j’ai marché une journée, mais quelle journée! Et Nadine et moi savons que cette journée ne sera pas la seule que nous partagerons. Et puis Solange, Katia (Belgique), Claude, Frédéric, Eric, Antoine, Didier, le franco-québécois qui descendait par la Via Podiensis pour remonter par la voie de Tours, Sylvie, Jean-Maurice, et en Espagne Tomas, Ursula (Allemagne), Jan (Pays-Bas), Roland (Hongrie), Dan (USA), le slovène qui marchait 45 km par jour, les deux suédoises qui marchaient avec la finlandaise et tous ceux dont les noms ne me reviennent pas tout de suite mais qui étaient pourtant là.

La magie des rencontres que l’ont fait sur le Chemin tient aussi du fait qu’on est surpris parfois en retrouvant des amis du Chemin plusieurs semaines après les avoir perdus de vue. J’ai rencontré Frédéric, qui venait de la frontière suisse à pieds, le premier jour avant mon départ, le 28 avril, à l’accueil des pèlerins du Puy-en-Velay. Je l’ai recroisé 3 semaines après, dans le Gers, puis plus d’1 mois après à Saint-Jacques de Compostelle, alors qu’il avait cheminé sur le Camino del Norte.

Eric, je l’ai croisé le jour de mon départ, le 29 avril, avec son sac de 16 kg. Blessé et contraint de s’arrêter 4 jours à Saint-Alban sur Limagnole, je l’ai retrouvé dans une albergue à Carrion de Los Condes, 1 mois et demi plus tard (!!!), sur la Meseta en Espagne !

Et puis, 3 jours avant d’arriver à Saint-Jacques, un accent de Marcel Pagnol m’a hélé : « ça fait 10 minutes que je te suis et que je cherche ton prénom ». C’était Claude, l’inséparable de Katia, à qui j’avais dit au revoir à Ostabat avant qu’ils partent aussi sur le Chemin du nord.

Moralité : sur le Chemin, un au revoir n’est jamais définitif, finalement.

Fermeture de la parenthèse.

 

Dernière chose sur la Via Podiensis : pour moi, ce chemin a été un temps de « digestion », un temps où j’ai senti à chaque pas vers l’avant ce que je laissais derrière moi. Si je reprends la métaphore de mon caillou déposé à la Croix de Fer, je dirais que sur le Chemin français, j’ai chargé mon caillou et j’y ai mis tout ce que je souhaitais abandonner. J’ai fait le vide.

 

 

Et le Camino Francès :

Le Camino Francès m’a fait l’effet d’une perfusion d’énergie, malgré la blessure, les ampoules et la douleur associée. Le Camino Francès était un retour à une liberté, attendue en vain sur la Via Podiensis.

Parmi les paysages marquants, la Meseta restera parmi mes plus belles expériences. L’immensité, les couleurs, les champs rouges de coquelicots parmi les carrés jaunes et verts des céréales, les chemins droits sur des kilomètres sans un arbre ni un village à l’horizon. Les contrastes, ensuite, lorsqu’on retrouve de la verdure et bientôt un paysage presque pyrénéen vers Foncebadon.

Les champs de coquelicots sur la Meseta.

Les champs de coquelicots sur la Meseta.

Je garde aussi un beau souvenir des premiers levers de soleil, tôt le matin, en Navarre et en Rioja.

Lever de soleil vers le col du Pardon.

Lever de soleil vers le col du Pardon.

En Espagne, plus que des lieux particuliers, ce sont des moments dont je garde précieusement le souvenir, à travers des noms qui restent évocateurs : l’église perchée d’Estella, Viana le dimanche soir, avec sa place chargée de monde et sa boulangerie ouverte dès 6h00 du matin et dont les croissants étaient délicieux, les villages du début de la Meseta : San Anton, et Castrojeriz au lever du soleil, Calzadilla de los Hermanillos et son épicier fier comme Artaban, Reliegos où l’on prend un café en écoutant Elvis, et quelques villages magnifiques qui nous font sentir que la Meseta est définitivement derrière nous : Rabanal del Camino, El Acebo.

En ce qui me concerne, je garde un souvenir tout particulier et ému de ma journée du 21 juin 2016. De la montée interminable vers la Cruz de Ferro, sous le soleil et la chaleur. De la descente qui a suivi, difficile, accidentée. Et du village qui a accueilli ma fatigue ce jour-là, Riego de Ambros.

Et puis la sensation particulière lorsqu’on arrive à Saint-Jacques et qu’on est partagé entre deux sentiments antinomiques : l’envie de s’exclamer « déjà ! » parce qu’on ne veut pas s’arrêter de marcher, et en même temps, quelque chose qui ressemble à un soulagement, car on va pouvoir se reposer. Autre sensation de soulagement : lorsque j’ai vu l’océan et lorsque je suis arrivée à la borne du kilomètre zéro à Finisterre.

 

 

 

En parcourant à nouveau mon Chemin, 3 semaines après mon retour, je ressens ce soir quelque chose qui ressemble à un sentiment d’accomplissement, couronné de sérénité.

Moralité : des Chemins, il y en aura d’autres (avec un S, sans aucun doute).

 

Le sourire du Chemin.

Le sourire du Chemin.

 

 

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